Depuis mercredi soir dernier, Chypre n’est plus seulement le lieu de prédilection des tournages d’Enquête Exclusive, une émission qui n’est pas vraiment une enquête et pas vraiment exclusive non plus. Mieux que Bernard de la Sole Meunière, nous avons chargé Aquilina, Chypriote et fière de l’être, de nous compter la folle soirée qui a vu l’APOEL[1] rouster les Lyonnais. Si après ça, vous ne réservez pas un billet pour Nicosie, on n’y comprend plus rien.
Rien à perdre
Avant le match, l’ambiance est au beau fixe et Aquilina y croit : « ici, tout le monde est excité ; ça crie, ça chante. Evidemment, on espère gagner et nous qualifier mais, si nous n’y parvenons pas, on sera tout de même heureux du parcours réalisé cette année ». C’est sûr qu’avoir terminé premier d’un groupe composé du Zenit Saint-Petersbourg, du FC Porto et du Shakhtior Donetsk, c’est plutôt pas mal et ça rendrait envieux n’importe club français. « En revanche, si jamais nous l’emportons, on va retourner Nicosie ! »
Croyez-y et ils y croiront !
Dès l’entrée des joueurs sur la pelouse du GSP Stadium, le public envoie le bois « Légendes, vous pouvez vous qualifier ! ». En Français, ça rend pas des masses, mais en grec, il paraît que ça fait des belles rimes. Suivant le mot d’ordre « Croyez-y et ils y croiront », les supporters de l’APOEL chantent à gorge déployée.
Sorte de mini-Vélodrome (22 700 places), le GSP Stadium est un véritable volcan : « les gradins étaient combles. Personne n’est resté assis. Tout le monde debout ! Gamins, vieillards, hommes, femmes, étudiants qui avaient des exams le lendemain : c’étaient très mélangé et très familial ». Et dès la 9ème minute, le volcan entre en éruption avec l’ouverture du score de Manuca. 1-0, les compteurs sont remis à zéro. Ensuite, malgré les efforts des ultras (« on avait des fumigènes et on a hissé des drapeaux grecs. Ecris-le bien : nous nous considérons comme une équipe grecque ! ») et de tout le stade pour pousser les Chypriotes, plus rien n’est marqué jusqu’aux tirs au but.
Signes de croix et attaque cardiaque
Pendant les prolongations, la tension est à son paroxysme, les doigts se croisent. « Quand est venue la séance de tirs au but, nous avons tous priés, à l’image de Chiotis. Nous avions tous confiance en lui, même si c’est toujours la loterie ». Si Källström (de grâce, prononcez Chèl-streum) ne tremble pas, que Lisandro peut remercier sa bonne étoile et que Gomis conserve son sang-froid, Lacazette et Michel Bastos trouvent les gants de Chiotis. « Quand il a sorti la frappe de Lagazette –je ne sais plus comment il s’appelle mais je le déteste depuis qu’il a marqué à l’aller-, on a commencé à y croire. Et quand il a arrêté le dernier tir, j’ai failli faire une attaque cardiaque ! C’était tellement énorme ! Je suis toujours en train de trembler ! » s’enflamme Aquilina.
Nuit de folie à Nicosie
« J’ai du mal à décrire ça avec des mots ! Je n’ai absolument plus de voix ! D’habitude, je crie pas mais là, j’ai tout donné ! ». Aquilina est sur un nuage, à l’image de tout Nicosie. Car après l’arrêt salvateur de Chiotis, la fête a commencé. « Nous avons chanté l’hymne de l’APOEL et l’hymne grec. On est resté un moment pour communier avec l’équipe. On a crié tellement fort que, le lendemain, les habitants des villages alentours nous ont dit que jamais il n’avait entendu autant de bruit ! ».
A coup sûr, l’ouzo, le Commanderia (un vin local) et le zivania, l’alcool typique chypriote fabriqué avec du marc de raisin ont coulé à flots. « Je ne sais même pas si ce que je te dis a un sens ! On a fait la fête toute la nuit et certains n’ont pas encore fini ! Nous n’y croyons pas encore tout à fait. Ce sont nos héros! J’attends avec impatience le tirage au sort des quarts. »
Malgré la faillite lyonnaise, l’APOEL conserve la ganache de la bonne pioche pour rejoindre le dernier carré. « Le mieux, ce serait de tomber sur un club qui me permettrait de faire le déplacement pour pas cher » confesse Aquilina. Et un quart de finale contre l’OM ? « Marseille a été créé par les Grecs. Ça nous ferait un beau derby ! ».
Après cette nuit de folie, c’est tout Chypre qui attend avec impatience le 27 mars. D’ici là, Aquilina aura eu le temps de retrouver toute sa voix. Mais pas celui de descendre de son nuage.
François Miguel Boudet avec la plus que précieuse collaboration d’Aquilina Demetriadi.
[1] Acronyme d’Athlitikós Podosferikós Ómilos Ellínon Lefkosías