Qui es-tu Vincenzo Nibali?

Il est le plus grand espoir du cyclisme italien depuis Damiano Cunego. Vincenzo Nibali, 27 ans, est un fuoriclasse, un membre de la caste des champions surdoués dont on a immédiatement décelé le potentiel. Orpheline de Marco Pantani, la Botte se cherche un successeur depuis que le Pirate a été retrouvé sans vie dans une chambre crasseuse de Rimini. Victorieux sur la Vuelta a España 2010, le Sicilien connaît une progression linéaire qui devrait l’emmener très haut. Portrait du vainqueur du Tour de France 2012.

Un talent en constante progression

Un coureur qui passe professionnel à 20 piges a forcément quelque chose en plus que les autres. Troisième du contre-la-montre juniors en 2002 et espoirs 2004, le Requin de Messine signe son premier contrat un an plus tard, chez Fassa Bortolo, l’équipe d’un certain Giancarlo Ferretti. Pour vous donner une idée du personnage, Ferretti a formé des gars comme Ivan Basso et Fabian Cancellara. Bon, on ne va pas vous mentir non plus, le bonhomme a aussi une réputation sulfureuse dans le milieu mais comment pourrait-il en être autrement quand on a dirigé Dario Frigo[1].

Très vite Vincenzo Nibali claque quelques performances de tout premier ordre puisqu’il termine deuxième du contre-la-montre du Tour de Suisse et quatrième du championnat d’Italie toujours dans l’épreuve chronométrée. En fin de saison, la Fassa Bortolo quitte le peloton ; Nibali rejoint la Liquigas. Il ne tarde pas à montrer ses capacités en gagnant le Grand Prix de Plouay devant l’Espagnol Juan Antonio Flecha, un des coureurs les plus rusés de la dernière décennie.

Précoce, Nibali est sélectionné sur le Giro d’Italia en 2007 afin d’aider Danilo Di Luca et Franco Pellizotti. Souverain, Di Luca remporte l’épreuve avec 4 victoires d’étapes à la clé. Dix-neuvième, le Sicilien réussit d’excellents débuts sur une course de trois semaines. Sur sa lancée, il achève le Tour de Slovénie à la deuxième place et obtient le bronze sur contre-la-montre lors du championnat d’Italie. L’année suivante, il joue une nouvelle fois le gregario de luxe pour Pellizotti et termine à la onzième place. Enchaînant avec le Tour de France, il porte le maillot blanc de meilleur jeune après le déclassement du Cobra Riccardo Ricco’[2] et arrive à Paris à une encourageante vingtième place. Progressant d’année en année, il se classe septième place de la Grande Boucle 2009. L’apprentissage est terminé ; maintenant, le Requin joue la gagne et rien d’autre.

Enfin leader, enfin vainqueur !

Equipier modèle, Nibali devient logiquement leader de la Liquigas. Même s’il est plus que légitime pour remplir ce rôle, il ne faut pas oublier que la Liquigas a morflé question standing. Di Luca[3] et Pellizotti[4] attrapés par la patrouille de l’AMA, Basso engagé au terme de sa suspension de deux ans : l’équipe de Roberto Amadio est au cœur de la tourmente.

Après s’être adjugé le Tour de San Luis en début de saison, le Sicilien partage les responsabilités sur le Giro avec Ivan le Terrible. Après la victoire de son équipe lors du contre-la-montre par équipe lors de la quatrième étape, le Requin s’empare du Maillot Rose mais le perd lors de la septième à cause d’une chute. Au prix d’une descente à tombeau ouvert du Monte Grappa, Nibali s’adjuge la quatorzième étape. Enfin, signe de la bonne gestion de ses efforts au cours de ce Giro, il grimpe sur la troisième marche du podium final grâce à un dernier exercice chronométré parfaitement maîtrisé.

Après avoir fait l’impasse sur le Tour de France, Nibali arrive en outsider pour la victoire finale sur la Vuelta. Après de nombreuses péripéties, une formidable résistance dans la haute montagne face aux deux Espagnols Ezequiel Mosquera et Joaquim Rodriguez et un contre-la-montre émaillé d’une crevaison finalement sans conséquences, Vincenzo Nibali remporte son premier grand Tour, à seulement 25 ans. Il est le cinquième Italien à réaliser cette performance[5]. « Il a gagné ses galons de champion » déclara Roberto Amadio, son directeur sportif.

Un coureur ultra-complet

Mais en plus de démontrer ses aptitudes sur des courses de longue haleine, Nibali multiplie les accessits lors des classiques. Ainsi, en 2011, il termine huitième de Milan-San Remo et de Liège-Bastogne-Liège. Des places d’honneur qui font écho à sa cinquième place obtenue sur le Tour de Lombardie en 2010.

S’il ne parvient pas à conserver sa couronne lors de la Vuelta 2011, nous pouvons quasiment considérer qu’il est le vainqueur moral du Giro. Alberto Contador, c’est son dauphin, Michele Scarponi qui hérité de la victoire. Troisième, le Sicilien grimpe d’une marche sur le podium. Or, quand on connaît le pedigree pâle de Scarponi[6], difficile de croire totalement en sa probité, d’autant plus que ses performances sont meilleures depuis son retour de suspension…

Coureur complet, capable de se battre sur tous les terrains et tout au long de l’année, chose rarissime pour un cycliste de ce calibre, Vincenzo Nibali doit désormais prendre une nouvelle dimension. Contador au frigo[7], son seul adversaire se nomme Ändy Schleck. Un duel sur le Tour de France donnerait lieu à un formidable mano a mano qui réconcilierait le public avec le cyclisme. Et permettrait au Requin de redonner le sourire aux nostalgiques du Pirate Marco.

François Miguel Boudet


[1] Dario Frigo a été contrôlé positif en 2001 alors qu’il était 2ème du Giro, à 15 secondes du leader Gilberto Simoni. En 2005, il a été arrêté le 13 juillet avant le départ de la 11ème étape en possession d’EPO.

[2] Contrôlé positif au terme de la 4ème étape du Tour de France 2008, il quitte la course avant le départ de la 12ème étape.

[3] Déjà rattrapé par l’affaire « Oil for drugs » en 2007, Di Luca est contrôlé positif à l’EPO Cera en mai 2009.

[4] L’UCI ouvre une enquête à son encontre pour « violation apparente du règle antidopage ». A ce titre, il est l’une des premières « victimes » du passeport biologique. Logiquement, Liquigas l’exclut de sa sélection pour le Giro. Le 8 mars 2011, Pellizotti est suspendu par le TAS jusqu’en 2012. Sitôt l’annonce faite, l’Italien annonce la fin de sa carrière professionnelle.

[5] Il s’agit d’Angelo Conterno (1956), de Felice Gimondi (1968), de Giovanni Battaglin (1981) et de Marco Giovannetti (1990).

[6] Suspecté de dopage suite à l’opération Puerto en 2005, Scarponi avoua qu’il s’était procuré des produits prohibés auprès du Dr Fuentes, au même titre qu’Ivan Basso. Suspendu 2 ans par le Tribunal Arbitral du Sport, il put recourir à partir du 1er août 2008.

[7] Sans mauvais jeu de mots hein !

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